♦ Plage.

       « Promenons sur la plage. » (mission)

Viridi m'attend sagement dans son pré. Quand j'arrive, elle m'accueille avec un hennissement joyeux. Eldorado, son compagnon de pré, relève la tête vers moi quand j'entre dans le pré, intimant à Loona de rester dehors. Licol à la main, je m'approche de la petite cremello.

- Salut ma belle, on va se promener un peu aujourd'hui, ça te dit?

La ponette me regarde avec tendresse pendant que je lui passe le licol.
J'aime bien les vieux chevaux. D'ailleurs il y a quelques années de ça je m'étais pris d'affection pour Jamaïque, une selle française adorable qui s'était bien intégrée à mon troupeau de jument. Du coup, je pense que je reviendrais pour m'occuper des deux vieux loulous de l'association.

Le pansage se fait rapidement, Viridi semble tout particulièrement fière de sa robe claire. Loona l'observe assise à mes pieds alors que je termine les sabots de la crème. Je dépose son pied et une caresse sur la tête de ma chienne.

- Vous êtes prêtes à aller vous promener les filles?

Ma berger remue joyeusement la queue tandis que Viridi souffle. Il est vrai que les jours couverts comme aujourd'hui peut augmenter les douleurs chroniques, je n'ai peut être pas choisi le meilleur jour pour l'emmener se promener, mais bon...

Direction la plage, la jument à ma droite marche lentement et à son rythme tandis que Loona renifle chaque herbe qui lui passe à la hauteur de son nez. Tranquillement nous passons d'un paysage de verdure à celui de l'océan. Celui-ci est assez calme aujourd'hui, des petites vaguelettes viennent s'échouer sur le sable. Nous marchons au ras de l'eau, sans pour autant patauger. Nos pieds s'enfoncent dans le sable humide et lentement on avance.
Finalement Viridi s'arrête et Loona et moi l'imitons. Elle lève le nez au vent et observe, les oreilles bien droite comme si malgré le mauvais temps elle ne pouvait pas s'empêcher de profiter. Elle baisse lentement la tête vers le sol, elle se met à renifler le sable et à le gratter. Je lui retire la longe pour la laisser se coucher. Elle tente de se rouler mais c'est difficile pour elle, son dos semble la gêner et la bloquer, elle ne peut pas se retourner entièrement mais ce n'est pas grave, ce qu'elle fait lui suffit car elle se relève. Elle s'ébroue vivement, des petits grains de sable volent et je souris. Je la caresse avec tendresse.

- Et si on rentrait maintenant?

De retour à l'association, je donne un coup de brosse rapide sur la belle robe de Viridi et cure ses pieds avant de la ramener à son compagnon de pré. Celui-ci vient accueillir sa copine dès son entrée dans le pré, je les laisse donc tous les deux sans plus attendre.

       « Un petit coin de paradis. »

J'envoie un petit message à Kiara pour lui parler un peu du PRE qu'elle m'a demandé d'aller voir. La visite faite, je n'ai qu'une envie : me détendre car malgré tout, cette rencontre m'a stressé. Enfin il n'y a pas que la rencontre. Le bar me prend beaucoup de mon temps et beaucoup d'énergie et des fois, pas de chance c'est le mauvais jour, donc j'ai dû attendre deux jours pour pouvoir renouveler mon stock de papier toilette. Hier soir a été un peu compliqué, j'ai dû virer un homme qui était beaucoup trop insistant avec une demoiselle et qui a tenté de mettre un petit cachet dans son verre... ça me répugne, mais si ça n'avait été que ça. Ce matin, j'ai dû nettoyer de fond en comble tout le bar car un monsieur a repeint le sol à l'aide de son urine, les bourrés, ça me gave!
Je suis épuisé et mon moral n'y ait pas. Je n'ai pas vraiment le cœur à  travailler qui que se soit et pourtant je dois bien le faire.

La journée va bientôt toucher à sa fin et je suis lessivé. J'ai décidé que ce soir exceptionnellement le bar serait fermé, j'ai besoin d'un petit peu de repos.
Je ramène tranquillement Unreal que je viens de faire saillir, bien sûr quelle idée ! Un poulain c'est encore plus de boulot, mais bon il faut bien que je fasse tourner mon élevage quand même !
Loona suit chacun de mes pas et moi je me commence à marcher vers la sortie des prés quand je m'arrête devant celui de Heigh Ho et Dream Walker... Je sais comment finir la journée en beauté.

Je me retrouve à cru sur le dos de Heigh Ho, uniquement harnaché d'un licol et tenant la longe du poney dans l'autre main. Oui j'ai piqué cette idée à Kiara (enfin elle elle le fait sans longe) et alors ?
Dream Walker est nerveux, il hennit dès qu'il en sent l'utilité et souvent mon PRE s'arrête et lui donne un petit coup de museau pour le rassurer, comme s'il lui disait "T'inquiète copain, je suis là." avant de se remettre à marcher. Je le laisse faire, je ne suis pas pressé de toute manière, le but n'est pas de stressé mon petit Walker mais que tous les trois on se détende. Lentement mais surement nous arrivons à la plage. Je flatte l'encolure de mon espagnol.

- Tu sais Heigh Ho, je n'aurais jamais cru qu'on aurait relation pareille.

Finalement je met pied à terre. Je caresse le front du poney avant de leur lancer.

- Qui est partant pour se rouler dans le sable ?

Les deux bais me regardent intrigués. Je détache le PRE qui va montrer au poney comment faire et qui va le rassurer. Je détache ensuite mon PFS. Le soleil commence à être très bas dans le ciel et je me dis que ce petit plaisir ne durerait pas très longtemps. Je vais m'installer un peu plus haut sur la plage, suivit de Loona et j'observe mes deux étalons faire tout en faisant un petit tas de sable pour occuper mes mains.

Heigh Ho se couche sur le sable chaud afin de pouvoir se rouler sans pour autant se mouiller. Dream Walker l'observe faire et quand l'espagnol finit par s'immobiliser, il vient le renifler comme pour voir si quelque chose avait changé, si maintenant il avait une nouvelle odeur ou si le sable avait mangé son copain mais finalement il se désintéresse de lui et s'approche de l'eau. Il observe les petites vaguelettes grimper sur le sable mouillé et sursaute quand un petit peu d'eau vient chatouiller ses sabots. Il secoue nerveusement la tête mais le grand bai le rejoint. Il le pousse du museau comme pour lui dire de s'éloigner. Le petit bai souffle, se tourne pour voir où je suis, m'observe et observe Loona qui est en train de creuser un trou avant de se décider d'arriver au petit trot vers nous, la queue en panache en poussant un petit hennissement aiguë. "Papa, t'as vu, j'ai même pas eu peur !" semble-t-il dire.

- Tu fais le fier parce que tu n'as pas détaler quand l'eau t'a touché ?

Je ris doucement. Finalement, on est rejoint par l'espagnol qui vient sentir mon petit tas de sable et qui me regarde comme si je le deséspérais.

- Bah quoi ? Il faut bien que je m'occupe!

C'est dans ces moments-là que je me rend compte à quel point je suis attaché à ses bêtes, à quel point ils comptent pour moi et à quel point je les aime tous simplement.
Je me lève vivement, arrachant un petit cri de surprise à Walker, je souris.

- Nous pouvons rentrer messieurs?

Je décide de ne pas remonter sur le dos du grand bai, mais plutôt de rentrer à pied... De toute façon je n'avais vraiment pas la motivation pour grimper sur son dos!

       « Allions effort et réconfort. »

- Aller bourrique, on se décolle de son copain Gamy et on va travailler!

La jument ronfle, tandis que je tire sur la longe pour tenter de la faire avancer en claquant ma langue. La bai semble bien décidé à rester au près de son roméo et je finis par lui dire ce que toutes les filles détestent qu'on leur dise, tout en continuant la pression sur la longe.

- Cet hiver tu as beaucoup mangé Vision, et tu as considérablement pris du cul! Il faut que tu fasses attention à toi, sinon tu vas arriver à la fourbure et après tu vas être grosse pour cette été, tu ne veux pas ça ?

La ponette ronfle comme si elle était pas convaincu.

- Après Gameboy te trouvera trop grosse et il ira regarder les jeunes pouliches fines et bombasse!

Vision plaque les oreilles en arrière, jette un regard noir à l'étalon qui est tranquillement en train de brouter à côté son copain le taureau. Il tend l'encolure pour lui mordre l'épaule comme si elle était déjà jalouse! Le rouquin couine ne comprenant pas ce qu'il vient de se passer, pourquoi sa jument l'a mordu?
Je fais claquer ma langue pour recentrer l'attention sur moi et la baie finit par me suivre, tournant la tête, boudant Gameboy. Quelle pestouille celle-ci!

Je ne suis pas vraiment motivé à me battre avec elle en dressage, ni en saut et encore moins en cross. J'avais de base prévu une séance à la piste d'entrainement et finalement, je décide qu'on irait se promener à la plage.

Vision se montre réticente d'abord quand on traverse la forêt en direction de la plage, c'est normal, ce n'est pas les sentiers que l'on emprunte habituellement vu qu'on a déménagé. La jument sursaute au moindre bruit et à chaque mouvement suspect, ce qui se résume à une feuille qui bouge un peu trop à son goût. Je la laisse s'arrêter, observer, analyser et sentir l'objet de sa crainte tout en lui caressant l'encolure et en lui parlant pour la rassurer. Clairement, c'est du foutage de gueule! Elle regarde d'abord la feuille qui bouge anormalement en ronflant. Finalement, elle renifle la feuille et se rendant compte que c'est juste une feuille, elle décide de la manger! Je gronde, lui donne de coup de talon et lui dis :

- Tu as oublié que si tu continuais à manger comme ça Gameboy allait arrêter de te regarde ?

La jument plaque ses oreilles sur son crâne, elle n'est pas contente que je lui dise ça et je paris que si le rouquin était avec nous, elle l'aurait mordu encore! Je lui donne un coup de talon et nous repartons.

Arrivé à la plage, Vision redresse la tête puis les oreilles et je l'entend respirer fort. Elle hennit joyeusement. Elle est contente de voir l'eau et de sentir ses sabots s'enfoncer dans le sable. Je la sens chauffer sous ma selle, je sens et je sais qu'elle veut courir.

- Donne-moi deux minutes ma belle.

Le temps de régler mes étriers au plus court. Moi qui ai renoncé à une séance de course, je vais l'avoir!

A peine les pieds dans les étriers, la jument se lance à pleine balle sur le sable. D'abord surpris, je finis par trouver mon équilibre et me caler sur la vitesse de la jument. Je la laisse courir et l'incite même à aller plus vite en criant des "Aller!" et lançant des "Yep, yep!" qui se traduit chez moi par "Tu peux faire bien mieux que ça!". La baie accélère sur quelques mètres soufflant nerveusement. Elle ralentit tranquillement mais je claque la langue et lance.

- Ca y est tu fatigues petite grosse ?

Elle plaque ses oreilles et comme pour me rabattre mon caquet, elle lâche un coup de coup de cul et accélère. Je l'entend souffler bruyamment nerveusement et finit par la ralentir. Je caresse son épaule.

- C'est bien ma belle.

J'entretiens un pas actif au bord de la plage pour ne la laisser avoir peur de quoi que se soit. Couillonne comme elle, elle pourrait avoir peur de son reflet dans l'eau. Je la laisse souffler un peu avant de lui redemander à la voix de passer au trot, puis finalement au galop, n'hésitant pas à l'énervé avec son poids. La jument aborde un galop plus lent. Galoper dans le sable est épuisant, mais je fais en sorte de la garder sur le sable mouillé, comme ça c'est comme si elle était en carrière. Vision souffle mais maintien un galop constant avec des foulées régulières. Je sais très bien que j'en ferais pas une champion des courses mais le but est d'améliorer sa vitesse et son endurance en vue d'un futur concours possédant un chrono et clairement elle a grossit cette hiver. Je veux bien croire que je l'ai laissé pas autant travaillé que d'habitude mais ça n'empêche pas qu'il faut qu'elle perde un peu de poids pour ne pas faire boule de bowling sur les obstacles.

Finalement je la repasse au trot savant pertinemment qu'elle ne peut pas faire plus que ça, puis au pas. Je la laisse souffler en lui caressant l'encolure avant de la ramener à l'élevage.

       « Histoire de se retrouver. »

Je suis partie, encore une fois. J'ai fuis mes responsabilités, j'ai fuis mes chevaux et j'ai fuis ma vie. Je n'ai pas d'excuse, je n'ai pas de mot, je n'ai rien d'autre à dire a part que je suis un lâche. Je ne sais même plus réellement pourquoi je suis partie, je ne sais même plus pourquoi j'ai tout lâché. Je ne peux même pas dire que c'était programmé. Un matin, j'en avais marre. J'ai engager un palefrenier de plus pour venir en aide au premier, j'ai appeler mon chef de bar pour lui dire de gérer et avec une petite valisette à peine rempli et ma chienne j'ai pris l'avion, direction la France. Retour aux sources, retour au grand-père désagréable qui m'a caché son cancer et qui en est mort pendant mon séjour. Je pense que son décès m'a donné une raison pour rester en France, une raison de me tenir loin de l'Angleterre où je ne trouvais plus ma place. Bien sûr son décès m'a attristé, bien sûr je n'ai pas encore fait mon deuil et aujourd'hui, encore sur un coup de tête, j'ai quitté la France. Avec un peu plus de bagages quand arrivant. Je rentre à la maison.

La plage m'a manqué et pas qu'a moi.

- Alors Heigh Ho, ça fait du bien de revenir ici ?

Je suis a cru, en licol sur mon grand boudin espagnol, oui un boudin car il s'est bien arrondi pendant mon absence. Heigh Ho souffle comme apaisé. Ce cheval est le calme en personne et c'est tellement reposant, c'est tellement agréable. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'étais pas monté sur un cheval et encore plus avec une telle sérénité. J'adore mes chevaux, mais c'est vrai qu'ils sont pas tous facile. Il n'y a bien qu'avec mon gros que je suis autant à l'aise. Je suis en paix et à cet instant bien précis, arpentant la plage sableuse, les vaguelettes venant caresser les sabots de mon cheval, le soleil se couchant sur nous, je suis heureux. Heureux d'être revenu, heureux d'être a cheval, heureux d'être revenu. Les doutes sur mon retour se sont envolés et ont laissé place à un bien-être infini.

Heigh Ho marche, la tête basse, il semble un peu las, un peu boudeur. Etrange, car avec Dream Walker ils m'ont fait une fête d'enfer à mon arrivé. Peut être est-ce le contre coup ? Peut être a-t-il l'impression que je l'ai abandonné ?

- Je sais, je sais... Je suis partie longtemps, je n'ai aucune excuse...

Je me couche sur son encolure en le caressant doucement. Il secoue sa tête comme pour me dire de me relever. Je souffle.

- Ecoutes, j'avais besoin de partir, j'en pouvais plus, j'étouffais... Je sais que c'est surement pas ce que tu veux entendre... J'ai pris peur, j'ai vingt quatre ans et j'ai eu peur. Je me suis enfermé dans une routine, dans une vie monotone et sans saveur, je n'avais plus aucun temps pour moi. J'ai eu peur d'être enfermé dans ce cercle, j'ai eu peur comme si j'allais me marier, comme si on m'enchaînait ...

Je soupire, l'étalon s'arrête et vient mordiller mon pied.

- Je suis désolé mon grand. Je sais très bien que vous êtes toujours là pour moi.

Heigh Ho redresse lentement la tête et se remet à marcher. La lumière du jour passe à l'orange et le soleil descend rapidement.

- Ca te dit une petite galopade avant de rentrer ?  

Le bai s'arrête, redresse les oreilles et renifle. Je prend ça pour un oui. Avant de le lancer, je lui demande de se cabrer. Une demande simple qu'il exécute avec une facilité déconcertante et pourtant cela fait bien longtemps que je ne lui ai pas demandé ce genre d'exercice. C'est pour faire plus sexy, pour faire comme dans les films. C'est un instant qui se fige. Ses sabots redescendent après quelques secondes en l'air. A peine posé, il démarre, il part en trombe, un peu désordonné d'abord, mais je l'enserre de mes jambes pour l'encadrer. Il se met sur un galop un peu plus lent, un peu plus maîtrisé et je l'accompagne à son rythme avec mon bassin.
Nous profitons de cette fin de journée, d'une promenade sur la plage pour se retrouver.